Récit de Coupe du Monde
- Roccu Garoby
- 28 sept. 2023
- 5 min de lecture

Ce 31 août 2023, sur les quais de la gare du Midi, nous sommes un groupe d'une quarantaine de personnes qui s'apprête à quitter Bruxelles pour rejoindre le ville du rugby par excellence : Toulouse; afin d'y jouer la plus grande compétition de rugby qui nous est offerte : la coupe du monde de rugby des parlementaires; dans le temple du rugby français, Ernest Wallon, maison du Stade Toulousain; le tout, la semaine précédant la vraie, la grande, la magnifique coupe du monde de rugby s'ouvrant sur un France – Nouvelle-Zélande. Un présage pour nous.
Ce rêve était complétement dingue, ce projet était complétement fou! Faire jouer ensemble des parlementaires et des staffs des institutions européennes; des anciens joueurs et des novices; des hommes et des femmes; des jeunes (au moins 35ans sauf pour les parlementaires et les femmes) et des anciens (+ de 60ans bienvenus)... et le tout avec moins d'un an de préparation commune et seulement un match officiel au compteur... Jamais l'expression partir la fleur au fusil avait pris autant de sens pour nous.
Et pourtant, nous sommes partis, convaincus que nous avions notre chance, si ce n'était de l'emporter, ne serait-ce que de démontrer que nous avions notre place dans cette compétition, que notre équipe, celle du Parlement européen, avait sa place à côté des grandes nations du rugby; et que nos valeurs européennes avaient leur place aux côtes de celles du rugby.
Et c'est dans le train nous menant à Toulouse que nous avons appris qui seraient nos adversaires : Les blacks (Nouvelle Zélande) puis les bleus (France)! Comme un présage, vous ai-je prévenu. Le troisième et dernier match, étant un match de classement, il sera connu plus tard, mais la symbolique n’en restera pas moins forte.
C’est le 2 septembre que le coup d’envoi de la compétition a été donné sur une annexe d’Ernest Wallon et les matchs opposèrent les équipent parlementaires suivantes France vs Australie ; Afrique du Sud vs Royaume-Uni ; Irlande vs Argentine... Un parfum de vraie coupe du monde! Et le dernier match Nouvelle Zélande vs Europe, donc. Il est 14h55 quand l’hymne européen est joué, 14h57 quand le haka néozélandais est interprété et 15h quand le coup d’envoi est donné. Ce rêve, celui de jouer dans le temple du rugby, celui de pouvoir faire face au Haka, celui de jouer les blacks une fois dans sa vie est là...

Mais il s’arrête là! Au premier contact, au premier placage, au premier grattage, la dure réalité du sport revient. Le rugby est et demeure un sport de combat, un sport de contact, un sport total, toujours avec des règles mais jamais sans engagement. Le match, qui dure 4 x 15min, et dont les règles sont adaptées afin de pouvoir jouer tous et toutes ensembles, a été engagé mais toujours fair-play. Les All blacks, champions du monde en titre et futur champions, ont été surpris pendant un peu plus d’¼ temps par notre résistance et notre opposition. Mais leur vitesse, leur technique et leur jeu leur ont permis de nous battre assez largement (24-0 à la mi-temps, 63-0 au final).
La plus lourde défaite de ma vie et pourtant l’un des plus beaux souvenirs aussi. Parce que les joueurs et joueuses du pays au long nuage blanc sont aussi sympas, humbles et admirables sur que hors du terrain... l’après match, le cinquième ¼ temps en quelque sorte, a continué, comme il se doit, autour d’une bière, de chants maoris, pour eux, de chants basques, pour nous.
Les corps meurtris par les impacts n’eurent que 2 jours pour s’en remettre mais l’ambiance festive dans le groupe, les infrastructures exceptionnelles mises à disposition, les soins de la kinésithérapeute et l’envie d’aller au bout de l’aventure eurent raison de toutes ses douleurs. C’est donc à Sarlat que nous avons joué notre second match. Sarlat, c’est le rugby du sud-ouest, le rugby du rural, le rugby amateur, le rugby à l’ancienne, le rugby des bénévoles, le rugby comme on l’aime.
La chaleur étouffante et caniculaire fût éprouvante mais l’ambiance était totale... Les tribunes étaient remplies, le XV parlementaire français, devant son public et devant les caméras de télévision qui avaient fait le déplacement, se devait de faire bonne figure, lui qui jouait le titre. Quant à nous, c’était un peu la revanche de notre premier match de mars 2023 mais nous n'étions plus la même équipe. Les corps s'étaient endurcis pendant l’été au gré d’une préparation physique digne d’une équipe amateur sérieuse. Les esprits s'étaient désinhibés après le match de l'avant-veille contre la meilleure équipe du monde. Et les cœurs s'étaient échaudés pour ce qui s'annonçait comme notre classico à nous : France - Europe.
Le match est plaisant mais les impacts sont durs ; les placages sont appuyés mais les envolées sont nombreuses. L’enjeu ne tue pas le jeu et l’engagement ne prend pas le dessus sur l’esprit du jeu. Les français furent eux aussi surpris par notre engagement total et rugueux et c’est non sans difficulté qu’ils rejoignirent les vestiaires avec une faible avance de 12-5 à la mi-temps. Nous, nous y croyions, nous voulions faire l’exploit de battre les français chez eux, dans ce petit village de Dordogne.
Nous avions les occasions, nous avions les moyens, nous étions pas loin mais les français ont su accélérer quand ils le souhaitèrent et la victoire nous échappa de peu (22-10) mais elle était méritée pour les français. La frustration de rater un exploit autant que la fierté de la copie rendue s'affrontent en nous. Mais c’est la fierté qui prendra le dessus avec un essai à la dernière minute de notre capitaine du jour, Eric Andrieu, 63ans, ex parlementaire mais surtout ex champion de France cadet avec Narbonne, qui n’a rien perdu de sa vista de demi de mêlée, notre Antoine Dupont à nous.
Les corps endoloris et les premières blessures auront cette fois-ci 72h pour disparaitre avant notre dernier match, à Paris, dans les magnifiques infrastructures du Stade Français, face aux britanniques. Europe vs Royaume-Uni. Quelle symbolique pour finir ce tournoi ! Pas besoin de se motiver pour jouer contre nos amis britanniques mais un regret immense et une tache indélébile quand on doit, contraints et forcés par les britanniques, jouer sans nos joueuses, pour raison d’assurance officiellement... pas très rugby, pour le coup, nos amis de Westminster.
Mais même amputée de nos joueuses, qui ont pu jouer un match de gala avec les français et les françaises face au Japon, ce qui ne change rien au problème de fond, notre équipe ne pouvait pas, ne voulait pas, n’imaginait pas rentrer à la maison sans une victoire, sans un scalp. Ce sera celui des anglais.
Dans ce qui fût non pas notre match le plus abouti mais au moins le mieux maitrisé, nous avons réussi, pour une fois, à prendre le score et à le garder (7-0 puis 7-5 à la mi-temps). Une finale (même de la 7e place) ça se joue pas, ça se gagne ! Et même si le match n’était pas d’une célérité extraordinaire, les impacts n’étaient jamais très amicaux quoi que réglo de la part des joueurs d’outre-manche. Nous avons alors pris toutes les occasions pour marquer des points, y compris au pied, pour assurer la victoire même si le retour tardif des anglais leur a permis de réduire le score (22-12). Ca y est, enfin, notre première victoire est là. Notre place était méritée. Un groupe est né. Une famille s’est constituée...
Comme tout match de rugby qui se respecte, c'est la 3e mi-temps qui est la plus importante. C'est là où les joueurs et joueuses des différentes équipes, qui ne sont donc plus des adversaires, parlent, échangent et se découvrent. Et c’est au Palais Bourbon qu’a commencé ce moment fort entre les 8 équipes du tournoi et ce fût un moment d’anthologie d’ailleurs! Mais l’auteur de ces lignes se doit de garder quelques secrets qui pourront vous être dévoilés si vous nous rejoignez...
Alors prenez vos crampons et rejoignez les XV du Parlement européen on vous attend pour de nouvelles aventures... Celle-ci n'étant assurément pas la dernière.